lundi 26 mai 2014

Les Corbeaux


Les noirs corbeaux au noir plumage,
Que chassa le vent automnal,
Revenus de leur long voyage,
Croassent dans le ciel vernal.

Les taillis, les buissons moroses
Attendent leurs joyeux oiseaux :
Mais, au lieu des gais virtuoses,
Arrivent premiers les corbeaux.

Pour charmer le bois qui s’ennuie,
Ces dilettantes sans rival,
Ce soir, par la neige et la pluie,
Donneront un grand festival.

Les rêveurs, dont l’extase est brève,
Attendent des vols d’oiseaux d’or ;
Mais, au lieu des oiseaux du rêve,
Arrive le sombre condor.

Mars pleure avant de nous sourire.
La grêle tombe en plein été.
L’homme, né pour les deuils, soupire
Et pleure avant d’avoir chanté.
                                                 Nérée Beauchemin

☁☁

NB - Il n'a quasiment jamais été chassé, sauf dans les périodes de grande famine, sa chair étant      considérée comme immangeable, sauf après une très longue cuisson.

Du fait du comportement  de charognard de ces espèces, le corbeau a aujourd'hui une mauvaise réputation en occident.

lundi 12 mai 2014

Que le temps passe vite !



Ah ! qu'ils étaient doux, les jours d'innocence, les jours de notre enfance qui sont loin de nous !

Gustave Nadaud

lundi 5 mai 2014

Sur le mur, des glycines

                                                                                                photo F.P
A mon balcon cette glycine
Tord ses bras fleuris dans le soir,
Avec le tendre désespoir
D'une princesse de Racine

Elle en a la fière langueur
Et la mortelle nonchalance ;
Et lorsqu’un souffle la balance,
Et que le jour traîne en longueur,

Et tarde à partir, et recule
Le déchirement tant qu’il peut,
Elle exhale une âme d’adieu,
Bérénice du crépuscule !

Le livre glisse de mes mains.
Le petit drame se termine.
« Cruel ! » dit au jour la glycine.
Les cieux blessés ont des carmins.

Par la haute porte-fenêtre,
Mystérieusement, alors,
Une des branches du dehors,
Comme un geste vivant, pénètre.

Du frémissant encadrement
Ce bras jeune et souple s’échappe ;
Et je sens sur mon front la grappe
Qu’il laisse pendre tendrement !

Tout s’embaume. Et je remercie.
Et, pour lui dire mon amour,
Je donne à la fleur, tour à tour,
Le nom d’Esther et d’Aricie.

Et je compare, les yeux sur
Mon livre tombé sans secousse,
L’odeur plus forte d’être douce
Au vers plus ardent d’être pur !

Un divin poison m’assassine !
Et je doute, en le chérissant,
Si de ma glycine il descend
Ou s’il monte de mon Racine !

                                              (Edmond Rostand, Les Musardises, 1911)