mercredi 11 juin 2014

"Marcher sur la rivière"

Je me suis arrêté de courir et de rire, et j'ai avisé mon bus. Je me suis remis à courir dans sa direction, et j'ai grimpé dedans. J'ai remonté l'allée et j'ai pris un siège à ma hauteur ; une femme tenait un enfant dans ses bras et lui embrassait l'intérieur du cou. J'ai fermé les yeux, puis les ai rouverts. Alors accordez-moi le don de revoir mille fois cette femme embrasser le cou de son enfant, pendant que la pluie crépitait sur la tôle du bus. Et ainsi mille fois j'aurai mon âme à moi, en paix et tout, j'en suis sûr. Lorsque le chauffeur a allumé les phares, elle a incliné la tête dans l'allée pour regarder vers l'avant. Puis, lorsqu'il a démarré, elle a redressé la tête et a posé tout doucement sa nuque contre le siège. Et moi, je regardais la pluie phosphorescente venir vers nous, dans le faisceau des phares, de plus en plus vite, tandis que nous traversions la ville, laissions les lumières jaunes des conserveries disparaître, et puis nous avons cahoté un instant en traversant la voie de chemin de fer.

Hubert MINGARELLI

Aucun commentaire: